Idée reçue n° 1
Le problème de la pollution de l’air ne concerne que les grandes zones urbaines
Réalité n° 1
Les grandes villes ne sont pas les seules à pâtir de la mauvaise qualité de l’air. Nombre de petites villes, de banlieues et de zones rurales sont également fortement touchées par ce problème. Les facteurs de pollution atmosphérique diffèrent généralement entre les zones rurales et urbaines.24 Les biocombustibles solides utilisés pour la cuisine et le chauffage, les feux de forêt et les brûlis sont des sources courantes de pollution atmosphérique dans les zones rurales. Mais la pollution de l’air n’affecte jamais uniquement le lieu où elle est émise. Les polluants (en particulier les particules fines) peuvent en effet se déplacer sur de longues distances en raison de la dispersion à partir de la stratosphère et des vents dominants qui les transportent à travers les régions, des sources urbaines vers les zones rurales et inversement. Un exemple du transport régional de la pollution atmosphérique est la pollution transfrontalière par la brume provenant des incendies de forêt et de terres agricoles en Indonésie, qui affecte les pays voisins que sont la Malaisie, Singapour et Brunei.
Idée reçue n° 2
Les voitures sont généralement la principale source de pollution de l’air
Réalité n° 2
Si les voitures sont souvent considérées comme une source importante de pollution atmosphérique, d’autres sources d’émissions peuvent contribuer de manière significative à la pollution de l’air : la production de chaleur et d’électricité, les installations industrielles, la combustion de déchets agricoles ou de biomasse, le transport maritime et aérien ainsi que la cuisine domestique faisant appel à des combustibles polluants.9 La contribution de ces différentes sources d’émissions à la pollution atmosphérique varie en fonction des saisons et de l’heure de la journée. Par exemple, Hong Kong fait état de concentrations d’émissions polluantes plus élevées dues à la combustion de bois/biomasse et de charbon dans les centrales électriques et les installations industrielles de la région adjacente du delta de la Rivière des Perles en hiver.10 Par conséquent, des stratégies de contrôle intersectorielles et interétatiques à long terme sont nécessaires pour lutter efficacement contre ces émissions. Des études ont montré de façon générale que les politiques de restriction de la circulation telles que la circulation alternée n’entraînent pas à elles seules une réduction significative de la densité globale de la circulation11,12 ou des concentrations de polluants atmosphériques dans les villes en Chine, en Inde et au Mexique.13,14
Idée reçue n° 3
La qualité de l’air est meilleure à l’intérieur qu’à l’extérieur
Réalité n° 3
La pollution de l’air intérieur est une menace importante pour la santé publique, car nous passons généralement plus de 90 % de notre temps quotidien à l’intérieur. La pollution de l’air intérieur est causée à la fois par la pollution de l’air extérieur qui pénètre dans l’environnement intérieur et par les polluants que génèrent des sources intérieures telles que les combustibles domestiques solides utilisés pour la cuisine, la fumée de tabac ambiante, la peinture, les tapis et les produits de nettoyage. Selon l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), les concentrations de pollution atmosphérique dans les espaces intérieurs peuvent être en moyenne 2 à 5 fois plus élevées que dans les espaces extérieurs, et les niveaux de certains polluants peuvent même parfois être jusqu’à 1 000 fois plus élevés à l’intérieur qu’à l’extérieur.6 En 2016, on a estimé que la cuisine domestique était à l’origine de 3,8 millions de décès chaque année dans le monde, en raison de l’utilisation de combustibles solides et de poêles défectueux. Cette estimation suit de près les 4,2 millions de décès dus à la pollution atmosphérique extérieure.3
Idée reçue n° 4
Seules les personnes sensibles souffrent de la pollution de l’air
Réalité n° 4
La pollution atmosphérique nuit à la santé et au bien-être, de la formation du fœtus jusqu’à la mort.1 Si elle a été initialement associée aux individus situés aux extrêmes de l’âge (par exemple, les nourrissons ou les personnes âgées) ou aux personnes souffrant déjà de maladies (par exemple, de maladies respiratoires chroniques ou d’une maladie cardiaque), des preuves de plus en plus nombreuses ont permis d’établir un lien entre l’exposition à la pollution atmosphérique et l’apparition de maladies cardiovasculaires, cancéreuses et pulmonaires chez des individus qui se trouvaient auparavant en bonne santé.2 L’exposition pendant l’enfance a des effets irréversibles sur le développement cognitif et physique. Tout le monde est menacé par les effets de la pollution de l’air sur la santé.
Idée reçue n° 5
S’il n’y a pas de nuage de pollution, il n’y pas de danger
Réalité n° 5
Si une très forte concentration de pollution atmosphérique peut entraîner la formation visible de brume et de nuages de pollution, les concentrations de pollution de l’air auxquelles nous sommes exposés sont la plupart du temps invisibles et inodores. Neuf personnes sur dix dans le monde vivent dans des endroits où la qualité de l’air dépasse les limites fixées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).3 Aucun niveau de pollution atmosphérique ne peut être considéré comme étant sûr. Des études ont montré qu’il n’existe pas de seuil en dessous duquel le risque de maladie au sein de la population n’est pas élevé. 4 5
Idée reçue n° 6
On peut s’habituer à la pollution de l’air
Réalité n° 6
L’exposition à long terme à la pollution de l’air ambiant (en particulier aux PM2,5) est associée à de graves effets indésirables, notamment une aggravation des symptômes respiratoires, une augmentation de l’incidence du cancer et un risque accru de crise cardiaque et de décès prématuré.10 18 19. En fait, les études font systématiquement état d’effets cumulés bien plus importants sur la santé pour les expositions prolongées que pour les expositions de courte durée, en prenant en compte d’autres facteurs de risque individuels.20 21 Plus l’exposition à la pollution atmosphérique se prolonge dans le temps, plus le risque d’effets indésirables graves est élevé.
Idée reçue n° 7
Il suffit d’avoir un bon filtre à air ou un masque pour se protéger de la pollution atmosphérique
Réalité n° 7
La plupart des filtres à air sont conçus pour éliminer soit les particules, soit les polluants gazeux. Certains d’entre eux remplissent cependant les deux fonctions (pour en savoir plus et découvrir comment sélectionner les filtres à air/purificateurs d’air, cliquez ici). Les filtres à particules et à gaz doivent être changés régulièrement ; plus les concentrations de polluants sont élevées, plus le remplacement est fréquent et plus les coûts d’entretien sont élevés. Sans un entretien adéquat, l’efficacité des filtres à air diminue. 7 L’efficacité des filtres à air et des masques dépend de la façon dont ils ont été conçus, de l’utilisation qui en est faite et de la nature des polluants auxquels on s’expose.8 De simples masques anti-poussière en papier sont généralement inefficaces lorsqu’il s’agit de réduire l’exposition à la pollution. Même des filtres à air mieux conçus, comme les masques N95, peuvent offrir une protection insuffisante, principalement lorsqu’ils sont mal ajustés au visage. 8 Il est important de garder à l’esprit qu’aucun filtre à air ou masque ne peut éliminer tous les polluants de l’air, en particulier les particules ultrafines (par exemple les particules de 0,3 micron de diamètre). Une meilleure solution serait d’éliminer les sources d’émission de pollution atmosphérique.
Idée reçue n° 8
Prendre des vitamines réduit les risques associés à la pollution de l’air
Réalité n° 8
Si certains minéraux et vitamines peuvent avoir des effets bénéfiques sur la santé de certaines personnes qui présentent des carences en nutriments spécifiques, rares sont les preuves directes établissant un lien entre la prise de compléments alimentaires et la protection contre la pollution atmosphérique. Il est difficile d’évaluer si les compléments réduisent les risques liés à la pollution de l’air. Il existe des centaines de vitamines et de minéraux sur le marché, dont la qualité et les doses sont extrêmement variables. Les études sur les animaux ne sont pas forcément valables pour l’homme et il est difficile dans les études sur les humains de départager le rôle que jouent l’alimentation, l’état de santé physique, les maladies comorbides, la prise de médicaments et les autres facteurs environnementaux.22, 23 Les compléments alimentaires ne sont pas sans risques et peuvent entraîner divers problèmes de santé, notamment la dégradation des fonctions métabolique, rénale et hépatique. C’est pourquoi les meilleures solutions sont celles qui permettent de réduire l’exposition aux polluants atmosphériques.
Idée reçue n° 9
La pollution de l’air en ville peut être réduite en déplaçant les industries polluantes à l’extérieur de la ville
Réalité n° 9
Les solutions de zonage qui permettent d’éloigner les entreprises polluantes des populations urbaines denses ont contribué à réduire l’exposition locale à la pollution atmosphérique. Mais cela n’empêche pas les centrales électriques, les installations de traitement des déchets et l’industrie lourde, qui émettent de grandes quantités de particules, de soufre et d’autres polluants, d’avoir une incidence sur la pollution atmosphérique urbaine. En raison du transport des polluants sur de longues distances, les villes peuvent subir les effets d’émissions produites à des centaines de kilomètres de distance. Des réglementations régionales et des stratégies de réduction des émissions sont nécessaires pour traiter efficacement les problèmes de pollution atmosphérique.
Idée reçue n° 10
La lutte contre la pollution de l’air entrave la croissance économique
Réalité n° 10
La pollution de l’air intérieur et extérieur fait peser un lourd fardeau sur la santé publique et l’environnement, tout en freinant la croissance économique de toutes les sociétés. Chaque année, 7 millions de personnes meurent prématurément de la pollution de l’air dans le monde.3 On estime par ailleurs que les pertes générées par ces décès prématurés en termes de bien-être s’élevaient à plus de 5 000 milliards de dollars américains en 2013. En Asie de l’Est et du Sud, ce coût peut atteindre 7,5 % du produit intérieur brut.15 Si les mesures environnementales exigent un certain nombre de dépenses pour lutter contre la pollution, il a été démontré que ces coûts sont largement compensés par les retombées économiques et les économies réalisées en matière de soins de santé, de mortalité prématurée et d’amélioration des résultats sociaux et en matière de développement, avec une estimation prudente du rapport avantages-coûts de plus de 14 pour 1, sachant qu’il pourrait atteindre jusqu’à 50 pour 1. La lutte contre la pollution atmosphérique est donc un problème qu’il est impératif de prendre rapidement à bras-le-corps.
Références
1. Société européenne de pneumologie. « Outdoor environment ». European Lung White Book. https://www.erswhitebook.org/chapters/outdoor-environment/. Publié en 2018. Consulté le 15 octobre 2018.
2. Hooper LG, Kaufman JD. Ambient Air Pollution and Clinical Implications for Susceptible Populations. Annals of the American Thoracic Society. 2018;15:64-68. doi:10.1513/AnnalsATS.201707-574MG
3. Organisation mondiale de la Santé. OMS | Air pollution. WHO. https://www.who.int/airpollution/en/. Publié en 2018. Consulté le 16 octobre 2018.
4. Organisation mondiale de la Santé. Ambient (outdoor) air quality and health. https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/ambient-(outdoor)-air-quality-and-health. Consulté le 16 octobre 2018.
5. Adrian G. Barnett. It’s safe to say there is no safe level of air pollution. Aust N Z J Public Health. 2014;385):407-408. doi:10.1111/1753-6405.12264
6. Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). Volatile Organic Compounds’ Impact on Indoor Air Quality. https://www.epa.gov/indoor-air-quality-iaq/volatile-organic-compounds-impact-indoor-air-quality. Publié en 2017. Consulté le 16 octobre 2018.
7. Vijayan VK, Paramesh H, Salvi SS, Dalal AAK. Enhancing indoor air quality – The air filter advantage. Lung India. 2015;325):473-479. doi:10.4103/0970-2113.164174
8. Cherrie JW, Apsley A, Cowie H, et al. Effectiveness of face masks used to protect Beijing residents against particulate air pollution. Occup Environ Med. 2018;756):446-452. doi:10.1136/oemed-2017-104765
9. Organisation mondiale de la Santé. OMS | Ambient air pollution: Pollutants. WHO. https://www.who.int/airpollution/ambient/pollutants/en/. Publié en 2017. Consulté le 16 octobre 2018.
10. Brunst KJ, Ryan PH, Brokamp C, et al. Timing and duration of traffic-related air pollution exposure and the risk for childhood wheeze and asthma. Am J Respir Crit Care Med. 2015;1924):421-427. doi:10.1164/rccm.201407-1314OC
11. Liu Z, Li R, Wang X, Shang P. Effects of vehicle restriction policies: Analysis using license plate recognition data in Langfang, China. Transp Res Part A Policy Pract. 2018;118:89-103. doi:10.1016/j.tra.2018.09.001
12. Li R, Guo M. Effects of odd–even traffic restriction on travel speed and traffic volume: Evidence from Beijing Olympic Games. J Traffic Transp Eng (English Ed. 2016;31):71-81. doi:10.1016/J.JTTE.2016.01.002
13. Chowdhury S, Dey S, Tripathi SN, Beig G, Mishra AK, Sharma S. “Traffic intervention” policy fails to mitigate air pollution in megacity Delhi. Environmental Science & Policy. 2017;74:8-13. doi:10.1016/j.envsci.2017.04.018
14. Kumar P, Gulia S, Harrison RM, Khare M. The influence of odd–even car trial on fine and coarse particles in Delhi. Environmental Pollution. 2017;225:20-30. doi:10.1016/j.envpol.2017.03.017
15. Bureau régional de l’OMS pour l’Europe. Review of Evidence on Health Aspects of Air Pollution – REVIHAAP.; 2013. www.euro.who.int. Consulté le 16 octobre 2018.
16. Hoek G, Krishnan RM, Beelen R, et al. Long-term air pollution exposure and cardio- respiratory mortality: a review. Environmental Health. 2013;121):43. doi:10.1186/1476-069X-12-43
17. Apte JS, Brauer M, Cohen AJ, Ezzati M, Arden C. Ambient PM2.5 Reduces Global and Regional Life Expectancy. 2018. doi:10.1021/acs.estlett.8b00360
18. Pope CA, Dockery DW. Health effects of fine particulate air pollution: lines that connect. Journal of the Air & Waste Management Association. 2006;566):709-742. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16805397. Consulté le 3 août 2011.
19. Hoek G, Krishnan RM, Beelen R, et al. Long-term air pollution exposure and cardio- respiratory mortality: a review. Environmental Health. 2013;121):43. doi:10.1186/1476-069X-12-43
20. Apte JS, Brauer M, Cohen AJ, Ezzati M, Arden C. Ambient PM2.5 Reduces Global and Regional Life Expectancy. 2018. doi:10.1021/acs.estlett.8b00360
21. Pope CA, Dockery DW. Health effects of fine particulate air pollution: lines that connect. Journal of the Air & Waste Management Association. 2006;566):709-742. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16805397. Consulté le 3 août 2011.
22. Lucock M, Jones P, Veysey M, Beckett E. B vitamins and pollution, an interesting, emerging, yet incomplete picture of folate and the exposome. Proceedings of the National Academy of Sciences. 2017;11420):E3878-E3879. doi:10.1073/pnas.1704662114
23. Whyand T, Hurst JR, Beckles M, Caplin ME. Pollution and respiratory disease: can diet or supplements help? A review. Respiratory Research. 2018;191):79. doi:10.1186/s12931-018-0785-0
24. Rafaj P, Kiesewetter G, Gül T, et al. Outlook for clean air in the context of sustainable development goals. Global Environmental Change. 2018;53:1-11. doi:10.1016/j.gloenvcha.2018.08.008